- JEU - Le jeu des animaux
- JEU - Le jeu des animauxLe jeu existe chez beaucoup de vertébrés, mais ne se manifeste clairement que chez les mammifères, dont les jeunes naissent dans un état peu avancé, et dont la maturation est relativement longue. Il n’est possible en effet que chez des animaux dont le développement est lent, l’apprentissage jouant au cours de celui-ci un rôle prépondérant. C’est parce qu’il n’a pas de jeunesse que l’invertébré, en principe, ne peut jouer (F. J. J. Buytendijk). Il importe donc de connaître la structure de vie propre à la jeunesse si l’on veut comprendre l’activité ludique dans le règne animal et déterminer les critères qui permettront de la différencier de l’activité non ludique. Les classifications des différents types de jeux dépendent elles-mêmes, d’ailleurs, des interprétations qu’on adopte concernant ces critères du jeu. Jusqu’où cette libération sensori-motrice que comporte l’action ludique chez l’animal s’approche-t-elle de la fonction symbolique? Et peut-on reconnaître aux divers mouvements que l’on parvient à décrire autre chose qu’une tonalité plus ou moins ludique non totalement dissociable des besoins internes?1. Les théories explicativesUn excès d’énergieOn dit souvent que l’animal joue quand il se sent vigoureux et bien portant. Cette conception populaire a trouvé son expression scientifique dans une théorie développée en 1891 par H. Spencer, mais dont les premiers éléments se trouvaient déjà dans Über die ästhetische Erziehung des Menschen (L’Éducation esthétique de l’homme ) de F. J. C. Schiller (1795): «Quand le lion, écrivait-il, n’est pas tourmenté par la faim et qu’aucun animal ne le provoque en combat, sa force inoccupée se crée à elle-même un objet; il remplit le désert de rugissements sonores de défi et sa force débordante se consume sans but.» À partir de ces éléments, Spencer élabora une théorie qui pourrait se résumer ainsi: les animaux supérieurs peuvent acquérir un surplus d’énergie vitale, car ils se procurent plus facilement leur nourriture que les animaux inférieurs, astreints à leur seule autoconservation individuelle. Ils manifestent, d’autre part, des comportements nettement plus diversifiés; certaines activités peuvent ainsi se régénérer pendant que d’autres se déploient. Cette surabondance d’énergie atteint finalement un seuil où elle tend à se dépenser, et l’activité ludique sera déclenchée sur la base de l’imitation d’une activité réelle. Le jeu serait alors comme une soupape; il consiste à gaspiller des forces qui se trouvent en surplus. «L’organisme est comparé à un cheval fougueux qui cherche à dépenser son trop-plein d’énergie» (R. Chauvin).Entraînement et préexerciceUn phénomène aussi général que le jeu, commun aux animaux supérieurs et à l’homme, ne saurait s’expliquer en dehors des lois de la maturation psychophysique. C’est pourquoi une autre hypothèse, proposée par K. Groos (1898), paraît plus digne d’intérêt aux yeux de nombreux observateurs d’animaux. Cette «théorie du préexercice» part de l’idée selon laquelle les jeux des animaux serviraient à préparer ceux-ci à leur vie ultérieure. Les enseignements de Darwin sur la sélection naturelle et ceux de Spencer (1891) et de W. James (1891) sur l’instinct amènent Groos à prendre en considération la signification biologique du jeu des animaux encore jeunes: «La jeunesse, qui n’existe que chez les espèces relativement élevées, a pour but de procurer à l’animal le temps nécessaire pour s’adapter à ses devoirs très compliqués et qui ne sauraient être accomplis par l’instinct seul.» Certains instincts dits «forts» comme les instincts de chasse et de lutte, qui sont indispensables pour la conservation de l’espèce, sont hérités. Ils se manifestent déjà à une époque où l’animal n’en a pas encore sérieusement besoin. D’autres instincts dits «atrophiés» ne sont pas déterminés génétiquement d’une façon aussi parfaite et aussi détaillée qu’ils devraient l’être, s’ils se produisaient dans les cas typiques. Ils apparaissent également dès la jeunesse et peuvent être perfectionnés à temps par l’exercice.La sélection naturelle favoriserait les animaux chez qui ces instincts atrophiés bénéficient d’un certain exercice; autrement dit, elle profiterait en ce domaine aux animaux qui jouent. Mais la question se pose de savoir pourquoi l’animal joue de telle manière plutôt que de telle autre. Groos s’efforce d’y répondre à l’aide du concept d’imitation. Il y a imitation, selon lui, lorsqu’un être vivant se modèle en un acte ou une attitude sur un autre être semblable, la perception de l’action d’autrui réglant l’exécution de la sienne propre; autrement dit, tous les actes se subordonnent à l’exemple d’autrui. Groos constate que «les jeunes animaux ont un instinct irrésistible à imiter les actes de leurs parents pour lesquels ils ont eux-mêmes une prédisposition instinctive affaiblie; ils apprennent de cette façon tout ce qui ne pourrait plus se développer si l’instinct d’imitation ne venait à leur secours.»Il ne s’agit pas d’imiter les activités sérieuses déjà existantes, mais bien de préimiter les tâches que l’animal sera amené à effectuer un jour. Le jeu de la pelote, par exemple, prépare le jeune chat aux activités futures de prédation. Le jeu est pré-exercice parce qu’il permet le développement de fonctions qui ne parviennent à maturité qu’à la fin de l’enfance. Ainsi «les animaux ont une jeunesse pour qu’ils puissent jouer» (Groos). En partant des conditions physiologiques du jeu, Groos s’achemine ensuite vers le point central de son étude: la joie d’être cause , qu’il considère comme le premier concomitant psychique du pré-exercice. L’animal qui remet une balle en mouvement le fait pour le seul plaisir d’exercer son pouvoir. De là dérive la conscience du «comme si». Le chat qui saisit son congénère par la nuque active son instinct de lutte, et la joie du succès l’anime. Le jour où il saura mordre, il saura imposer une limitation à ses activités; il aurait alors conscience de leur caractère illusoire. Ainsi les chats qui s’amusent avec une pelote comme si c’était une proie connaîtraient une forme de jeu-illusion .Il est pourtant difficile de supposer que le petit chat qui court après une pelote de laine considère cet objet comme le «symbole» d’une souris. J. Piaget dit à ce propos: «La balle après laquelle court le jeune animal est un objet comme un autre et, s’il la remet de lui-même en mouvement, il ne fait que se donner l’occasion de continuer de courir sans qu’il soit nécessaire d’y voir une illusion d’aucun genre.» Le jeu, chez l’animal en tout cas, est une activité de simple exercice, et le jeu d’exercice comme tel ne conduit pas à la fiction symbolique, le symbole impliquant la représentation d’un objet absent. Le petit chien qui mordille sa mère sans la blesser ne fait pas «semblant» de lutter, faute de se représenter ce que serait la lutte réelle.C’est chez quelques singes seulement que l’activité ludique déborde le cadre du simple exercice. Ainsi W. Köhler cite le cas d’un chimpanzé qu’il a vu «prendre une de ses jambes dans ses mains» et la traiter «comme quelque chose d’étranger, comme un véritable objet, peut-être comme une poupée, en la berçant d’un côté et d’autre dans ses mains, en la caressant...». Mais cet exemple de symbole joué se situe, semble-t-il, au sommet du jeu des animaux. Selon P. Guillaume, en effet, «le développement de la fonction symbolique et de la fonction instrumentale chez les singes anthropoïdes représente sans doute le terme des progrès intellectuels dans le monde infra-humain». La fiction symbolique ne se rencontrerait donc dans le règne animal qu’en des cas très rares et chez les espèces supérieures, alors qu’elle existe au niveau ludique le plus élémentaire chez le jeune enfant. Dans ce dernier cas, elle prépare en effet aux symboles représentatifs. Parmi de nombreuses autres interprétations du jeu, il convient de mentionner la théorie de F. J. J. Buytendijk (1933), par laquelle l’activité ludique ne se réduit pas à une fonction mais s’explique par les caractéristiques générales de la dynamique infantile.Tendance libératrice et gratuitéSelon cette conception, qui est fondée sur une approche phénoménologique du donné juvénile, les caractéristiques essentielles du jeu sont «la gratuité, c’est-à-dire l’absence d’orientation vers un but, l’impulsion confuse ou surabondance débordante, l’originalité, l’immanente disposition, la démesure, le manque d’équilibre, l’incohérence». L’incertitude et l’indétermination des mouvements impliquent un manque de direction. Ce manque de direction n’est plus défini par une impuissance du système nerveux mais par un défaut d’adaptation au monde extérieur; il y a excès de mouvement en tout. Ce caractère débordant se manifeste dans la façon de manipuler les objets, dans tous les gestes et les actes du jeune enfant ou du jeune animal.Buytendijk montre comment le jeu est une conséquence nécessaire des caractères de la juvénilité. Celle-ci s’exprime par une attitude ambivalente à l’égard des choses, faite d’attraction et de retrait; il y a, d’une part, un attachement à la communauté, au déjà connu, et, d’autre part, un engagement risqué par rapport à l’inédit, dans la mesure où l’inconnu offre des possibilités de relations nouvelles. Une certaine timidité à l’égard des choses éloigne le sujet de leur utilisation. C’est d’une dynamique gouvernant les relations du jeune avec son milieu que naît directement le jeu en tant qu’interaction privilégiée entre le joueur et l’objet ludique, considéré comme partenaire actif. L’objet ludique a les caractéristiques d’une figure, d’un signe, parce qu’il signale autre chose au-delà de lui-même et ouvre des possibilités d’action.L’animal qui joue n’est pas en rapport avec ce qui lui importe biologiquement (proie ou obstacle), ni non plus avec ce qui lui est indifférent. Le jeu se révèle ainsi comme un signe de liberté dans la sphère du vital. L’occupation ludique est donc une relation de l’animal avec ce qui, dans la biosphère, est pour lui sans importance mais non sans intérêt. Il y manifeste sa disponibilité, son besoin interne de mouvement, son manque d’expérience, l’inaccomplissement de son existence, mais uniquement à titre provisoire; car, parvenu à maturité, l’animal sera en relation immédiate avec son milieu vital.L’intérêt de cette thèse est de montrer que le jeu dérive de la structure de la forme de vie propre à la jeunesse, et de mettre en évidence les caractéristiques essentielles de tout comportement ludique (la gratuité, l’absence de but, l’impulsivité, etc.), qui s’opposent toutes au finalisme utilitaire prôné par les deux premières théories. Ces critères, destinés à distinguer nettement le jeu de l’activité non ludique, aboutissent finalement non pas à dissocier le premier de la seconde, mais à souligner simplement «l’existence d’une orientation dont le caractère plus ou moins accentué correspond à la tonalité plus ou moins ludique de l’action» (Piaget).Il ressort de ces diverses interprétations que le jeu peut être considéré soit comme une activité permettant à l’animal de gaspiller ses forces en surplus, soit comme un entraînement par lequel l’animal s’exerce à des activités sérieuses telles que la lutte ou la chasse (tout mouvement a donc une importance biologique considérable puisqu’il permet à l’animal de survivre), soit enfin comme une relation purement gratuite du jeune animal avec son milieu, relation faite d’attraction et de retrait et caractérisant la dynamique infantile.2. Les grands types de jeuxIl est rare de trouver, à propos des jeux, des classifications qui ne dépendent pas d’une interprétation. Chez l’animal, le jeu se présente sous une forme relativement élémentaire par rapport aux jeux humains; il est donc plus facile et plus adéquat de choisir une classification se fondant sur des conduites essentiellement sensori-motrices. On suivra ici le point de vue adopté par Groos, qui consiste à classer les jeux selon les tendances qu’ils mettent en œuvre. Cette manière de grouper les faits selon leur contenu est valable pour l’animal puisqu’il s’agit de comportements qui ne supposent ni règles ni imagination symbolique. Cependant, une exception sera faite en ce qui concerne le jeu symbolique chez le chimpanzé.Jeux de maîtrise ou d’expérimentationOn peut ranger dans la catégorie des jeux de maîtrise ou d’expérimentation tous les mouvements destinés à assurer la maîtrise de leurs organes chez les jeunes animaux, et ultérieurement leur action sur les objets extérieurs. La difficulté de différencier du simple déplacement ces comportements de jeu est résolue par le fait que ces actes sont accompagnés d’une surabondance motrice et d’un manque apparent de finalité. Ces jeux consistent à étendre et à contracter les membres, à tâter, à saisir, à griffer, à ronger, à gratter, à déchirer, à arracher, à pousser, à ramasser, à laisser choir, à s’exercer la voix et surtout à se déplacer. Les jeux de locomotion dérivent, selon Groos, d’instincts indispensables dans la lutte pour la vie. Chez les gazelles, ce sont les exercices de saut en longueur et de saut par-dessus les buissons. Chez les chats, il existe de véritables jeux de locomotion: le saut vertical, par exemple. Si l’animal bondit brusquement comme s’il était mû par un ressort, cela s’explique par le fait qu’il a besoin de ce saut pour attraper sa proie et pour fuir devant l’ennemi. Le jeu de saut se retrouve chez les artiodactyles, les bovidés, les cervidés tels que les antilopes, les mouflons, les chèvres, les moutons et autres bouquetins. Chez les singes, le jeu de locomotion peut être décomposé en quatre éléments gymnastiques: grimper, sauter, se balancer et danser. Un autre exemple de jeu de maîtrise est la course en rond. L’animal tourne sur lui-même et, par ce manège, en vient souvent à se lancer à la poursuite de sa propre queue.Jeux cynégétiquesTous les comportements ludiques ayant une structure analogue aux conduites de prédation sont inclus dans le groupe des jeux cynégétiques. On peut les classer en trois catégories fondées sur les types d’objets entrant dans la relation du jeu.Jeux avec proie animée réelleLes travaux de Leyhausen (1960) sur le comportement de prédation chez le chat fournissent une observation minutieuse des jeux accompagnant la prédation. Ceux-ci peuvent se décomposer en trois types:– Le jeu de retenue : l’animal s’approche de la proie, s’arrête, s’assoit à courte distance et la tapote avec la patte, toutes griffes rentrées. Il s’arrête de nouveau et, se couchant près de la proie, se met à lécher la partie antérieure de sa patte. Ce type de jeu, peu intensif dans son déroulement, se termine par des coups plus francs. Il arrive souvent que la proie se mette à remuer; le chat recule alors brusquement, phénomène très fréquent chez les jeunes chatons jouant avec des objets aux mouvements imprévisibles. Cette sorte de peur diminue avec l’âge, mais ne disparaît, semble-t-il, jamais complètement. Le chat, effrayé, revient alors avec prudence vers sa proie. Le jeu de retenue apparaît lorsqu’il y a diminution de l’activité ludique dans son ensemble. Il semble intermédiaire entre le jeu intensif et l’activité de déplacement. Cette forme de jeu a été également observée par Seitz (1950) chez le renard.– Le jeu d’«animage» qui n’a lieu qu’avec de petites proies. Le chat s’approche de la proie; et puis soudain il l’attrape avec les deux pattes de devant, toutes griffes dehors; il l’attire alors vers lui et la lâche soudain. Si elle ne fuit pas, il la pousse et la rattrape pour la ramener près de lui. Ce manège peut se reproduire un bon nombre de fois. Ensuite, le chat prend la proie dans la gueule et la tient de façon lâche par un mouvement pendulaire des mâchoires. Il la transporte ainsi plus loin pour recommencer le même manège. La prise est lâche et différente de la morsure mortelle.– Le jeu d’allégement , étudié par Lindeman et Seitz (1950) qui décrivent l’animal sautant haut vers sa proie, selon une courbe en arc de cercle. Il la prend entre les pattes et soudain recule. Puis il recommence une série de bonds autour de sa proie. Ce type de jeu apparaît toujours après la morsure réelle. Sa durée et son intensité sont proportionnelles à la grandeur de la proie et à la durée du combat.Jeux avec proie animée imaginaireIl arrive que l’ombre seule d’un animal provoque chez un autre, habituellement un congénère, un comportement de chasse. Le stimulus déclencheur de la poursuite est alors le mouvement; l’invitation au jeu peut se présenter sous deux formes différentes:– si l’antagoniste est au repos, l’animal rampe vers lui, puis s’élance en jetant les pattes de devant sur les flancs de son adversaire, faisant rouler celui-ci sous la force du choc; il essaie alors de l’exciter en le mordillant au cou;– si l’antagoniste est en mouvement, l’animal peut l’attaquer ou s’avancer et s’enfuir brusquement l’instant d’après, déclenchant généralement la réaction de poursuite de l’antagoniste; la poursuite s’engage alors dans un mouvement sans cesse renouvelé – le poursuivant devenant poursuivi – pour se terminer par un combat simulé.Le déroulement de ce jeu suit un rite immuable qui consiste à épier, se cacher, inciter au jeu, feindre, suivre, poursuivre, couper le chemin, saisir, se défendre. Tout s’arrête lorsque l’un des deux reste immobile. Ce jeu n’est accompagné d’aucun des signes d’agressivité que les adultes présentent dans les combats de prédominance ou de territoire: ni mimiques, ni poils hérissés, ni mouvements typiques du corps, ni cris de colère, ni morsures réelles, ni coups de griffes. Cependant, si d’aventure un coup de griffe ou une morsure réelle sont donnés, le jeu s’arrête. Le combat, en effet, est très rarement sérieux et il ne le devient, semble-t-il, que par suite d’une excitation croissante au cours du jeu et aussi en raison de l’incohérence et de la surabondance des mouvements; mais alors il dure peu et n’entraîne jamais la soumission du congénère.Jeux avec proie inanimée imaginaireLe jeu peut être déclenché par de simples stimuli visuels comme dans le cas où le petit chat aperçoit un objet insolite: il s’en approche prudemment, le renifle, le touche de sa patte et le met en mouvement; dès ce moment, cet objet pourra faire office de partenaire de jeu.Lorsque l’animal approche de la maturité, les jeux de combat remplacent les jeux cynégétiques. Ce sont de véritables luttes qui en viennent à la morsure finale et peuvent être considérées comme la phase initiale des luttes de dominance et des combats pour le territoire, qu’on retrouve chez l’adulte. Mais elles demeurent de nature ludique tant qu’elles n’entraînent aucune dominance d’un partenaire sur l’autre et qu’elles n’excluent pas des formes de jeu différentes.Groos a décrit ce qu’on appelle les jeux architectoniques ou jeux de construction, mais cette forme prête à de nombreuses discussions, car la plupart des actes de construction ont en réalité un but, ce que la notion de pseudo-exercice, essentielle à l’activité ludique, semble exclure.Il importe de mentionner enfin les jeux érotiques qui sont spécifiquement des jeux d’adultes. Mais il s’agit là d’activités très spécialisées et parfaitement coordonnées qui sont finalisées biologiquement et qui, par là, échappent aux critères propres du jeu.3. La recherche contemporaineLes travaux qui se sont développés dans les années soixante-dix sur le jeu des animaux n’ont pas foncièrement renouvelé les perspectives. Les auteurs contemporains soulignent, comme leurs prédécesseurs, le caractère hétérogène des activités dites ludiques, et estiment que ces dernières interviennent pour favoriser les comportements spécifiques – et donc biologiquement utiles – des adultes, ainsi que l’apprentissage et la solution de problèmes à partir de la perception de la nouveauté (Bruner, Jolly et Sylva, 1976). Sous l’influence des recherches éthologiques, l’accent a également été mis sur les liens entre le jeu et les interactions sociales, en sorte que la notion de «jeu social» tend à se substituer au concept du jeu, considéré comme simplement préparatoire à l’adaptation comportementale ultérieure. Quant au caractère gratuit et désordonné de l’activité ludique, il reste l’une de ses propriétés descriptibles les plus reconnues. L’allure irrégulière des séquences d’actes, leur répétition caractéristique sans résultat immédiat, de même que les fréquents changements de rôle entre partenaires, suggèrent que les comportements ludiques sont exécutés dans une large mesure pour eux-mêmes. Cette perspective renoue avec l’ancienne conception de la gratuité et ne permet pas de dépasser la notion de l’activité préparatoire, dont on a constamment fait une caractéristique du jeu animal. Il reste que les jeunes animaux jouent plus que les adultes et que, comme Van Lawick-Goodall (1968) l’avait déjà remarqué chez les chimpanzés, les attitudes et les mouvements d’invite au jeu sont différents, dans leur structure, des actes orientés vers un but biologique précis, tels que, par exemple, les comportements de menace.
Encyclopédie Universelle. 2012.